Le Jour de ma mort est un thriller au rythme effréné de Jacques Expert. Il paraît le 25 avril 2019 aux éditions Sonatine.
Jacques Expert est un écrivain français né en 1956. Il exerce longtemps en tant que grand reporter, travaillant successivement pour Radio Caraïbes International, Radio 7, France Inter et France Info ; il devient, en 2012, directeur des programmes de RTL, un poste qu’il quitte en avril 2018 pour se consacrer pleinement à l’écriture.
Le premier thriller de Jacques Expert, La Femme du monstre, paraît en 2007 aux éditions Anne Carrière. L’écrivain est également l’auteur de La Théorie des six (2008), Ce soir je vais tuer l’assassin de mon fils (2009), Adieu (2011), Qui ? (2013), Deux gouttes d’eau (2015), Hortense (2016), Sauvez-moi (2018) et Le Jour de ma mort (2019).
Un destin inéluctable ?
L’histoire de Charlotte, personnage principal du Jour de ma mort, commence par un cauchemar. À mesure que cette vingtenaire parisienne reprend ses esprits, des détails de son rêve oppressant lui rappelle son séjour au Maroc…
Carole, Sylvia, Constance et Charlotte sont quatre amies de longue date. Trois ans auparavant, elles décident de célébrer ensemble l’enterrement de vie de jeune fille de Carole, alors fraîchement fiancée, à Marrakech. Au cours de ce voyage, ces demoiselles font la rencontre déterminante de Mohamed qui les invite à consulter un voyant dans une médina. Selon lui, cet « homme fascinant […] ne se trompe jamais ».
Malgré son envie de dissuader ses amies de se rendre chez ce médium, Charlotte se range à leur avis et les suit dans cette épopée folle. Elle reste cependant imperméable aux annonces dudit voyant et ne manque pas de dénigrer ouvertement ses méthodes. Devant cet élan de scepticisme méprisant, le devin révèle à Charlotte qu’elle mourra d’une mort violente le 28 octobre trois années plus tard.
Charlotte se réveille suffocante de son cauchemar : on est le 28 octobre, trois ans après les faits. Jusqu’alors toutes les prédictions du voyant marocain se sont réalisées. Sylvia, qui détestait les voyages, est bel et bien partie vivre à l’étranger ; Constance, qui n’avait pas de relations stables, est tombée enceinte et s’est mariée ; Carole, amoureuse transie de son fiancé de l’époque, est d’ores-et-déjà divorcée.
Serait-il seulement possible que le vieil homme, celui que Charlotte qualifie de « charlatan », ait réellement « vu » tous ces bouleversements arriver ? Ou ne sont-ce que des coïncidences ? Et si aujourd’hui était réellement le jour de sa mort ? L’objectif de la Parisienne devient dès lors évident : survivre aux vingt-quatre heures terrifiantes qui s’annoncent.
Un univers spatio-temporel défini
Dans Le Jour de ma mort, Jacques Expert construit sa narration autour d’une journée et d’un lieu bien précis : le dimanche 28 octobre 2018 à Paris. Cette extrême restriction spatio-temporelle confère à l’œuvre une certaine atmosphère.
Le personnage de Charlotte mène ainsi une lutte acharnée contre le destin : la jeune femme dispose de seulement vingt-quatre heures pour infléchir son sort. L’auteur choisit de la faire évoluer ici dans une temporalité restreinte, créant une tension accrue, une ambiance pesante pour le lecteur. Seules les réminiscences des personnages perturbent quelque peu cette narration chronologique, et ce sont alors des souvenirs qui apportent de la consistance au présent.
Plus les pages avancent, plus les heures défilent, plus le suspense gagne en puissance. Jacques Expert indique de manière récurrente au lecteur l’heure qu’il est, bien souvent en mentionnant également le temps qu’il reste dans cette journée, comme pour lui rappeler l’enjeu du défi lancé à sa protagoniste principale. Ces observations temporelles accentuent la position d’attente et/ou d’anticipation du lecteur, elles le contraignent à être attentif aux détails.
Paris est la ville retenue par l’écrivain pour son thriller. Il en fait ici une description assez rigoureuse en évoquant des enseignes et des quartiers connus de la capitale française pour bien délimiter l’action de son roman. Aussi, Jacques Expert entretient un certain nombre de clichés sur les Parisiens avec une pointe d’humour non dissimulée. Charlotte en est, sans doute, la manifestation la plus prononcée.
Cette anti-héroïne « typiquement » parisienne est une grande blonde mince aux yeux bleus « d’une élégance discrète ». Elle vit dans un « trois-pièces […] entre la rue Convention et la porte de Versailles ». Elle a un vocabulaire « jeune », est ultra-connectée sur les réseaux sociaux, adore les brunchs du dimanche, lit les magazines Elle, regarde l’émission The Voice et se renseigne sur l’actualité via BFM TV. Elle fréquente en outre Carrefour Market pour faire ses courses, Conran Shop pour ses achats « déco », l’Hippopotamus pour ses sorties… Tout dans ses habitudes culturelles rappelle Paris.
Un registre décalé
Jacques Expert mêle tension et dérision au sein de cette œuvre. Les situations dans lesquelles se trouvent ses personnages relèvent parfois du comique, pourtant rien de tout ce qui leur arrive n’est censé être véritablement « drôle ».
Le Jour de ma mort possède une double narration piquante : la voix d’un inconnu associé à des méfaits contée à la première personne du singulier, et celle de Charlotte retranscrite par le biais d’un narrateur limité à ses pensées à la troisième personne du singulier. Paragraphe après paragraphe, des indices viennent suggérer un lien fort entre ces deux narrations qui s’opposent, et pourtant font écho l’une à l’autre. L’auteur manie ici avec brio l’art d’instiller le doute dans l’esprit de son lecteur.
Jacques Expert rapproche de plus ces deux discours en utilisant le registre comique. Il recourt au comique de situation (avec de nombreux retournements de situation, malentendus, quiproquos), au comique de mots (langage familier, jeux de mots et interjections) et au comique de mœurs (décrivant Paris et ses travers de manière ironique).
Ce narrateur anonyme qui s’exprime à la première personne du singulier est pourvu de traits de caractère insolites. L’écrivain choisit d’en faire quelqu’un de prudent, de perfectionniste, d’organisé mais disposant (contre toute attente) d’un sacré humour. Il ne connaît pas l’erreur, mais s’identifie néanmoins au commun des mortels, capable parfois de défauts humains.
Il me tarde de passer à l’action. Je pense que vous pouvez comprendre mon impatience. L’impatience est tellement humaine. Et je suis un être humain.
Comme vous.
Ce personnage insuffle le ton décalé du Jour de ma mort. Il est celui à qui l’auteur donne à dire « Nous ne sommes pas dans un polar de troisième zone ! » Il est celui qui déclame les adages et autres maximes de circonstance.
En définitive, Jacques Expert offre dans ce roman un univers minutieusement travaillé. Avec un soupçon d’esprit il conte les aventures de Charlotte, une jeune femme quelque peu naïve et inconstante, véritable caricature de la Parisienne contemporaine. L’écrivain signe ici un thriller dans lequel suspense rime avec satire.