Algériennes : 1954-1962 est une bande dessinée de Swann Meralli et Deloupy parue en janvier 2018 dans la collection « Marabulles » des éditions Marabout.
Deloupy est un illustrateur français né en 1968. Diplômé de la section bande dessinée des Beaux-Arts d’Angoulême, il travaille principalement en tant qu’illustrateur free-lance. Il est co-auteur en 2018 du roman graphique Love story à l’iranienne.
Swann Meralli est un réalisateur et scénariste français né en 1985. Connu notablement pour ses courts-métrages Chroniques de banlieue et Persona, Swann Meralli est également l’auteur de la série Le Petit livre qui dit… qui regroupe des albums dédiés aux plus jeunes.
Algériennes : 1954-1962 propose une fiction à caractère historique. Ici on découvre la guerre d’Algérie sous les points de vue différents mais tout aussi essentiels de multiples femmes.
La guerre d’Algérie racontée par des femmes qui ont dû faire leur possible pour survivre
Alors qu’elle rentre chez elle un soir, Béatrice découvre dans un journal « des mots de douleur » sur la guerre d’Algérie : l’idée d’une vérité dissimulée par les médias, la violence faite aux femmes durant ces longues années, les terribles exécutions commises au nom de la « paix », les dégradations volontaires des villages algériens par des militaires français…

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Béatrice sait que son père a été soldat en Algérie entre 1954 et 1962. Elle réalise soudain que celui-ci ne lui en a jamais parlé ouvertement. Alors quand la jeune femme est invitée à dîner chez ses parents, elle tente de confronter son père ; mais ce dernier entre dans une colère sans nom à l’évocation de cette guerre. Selon lui, les journalistes ne répètent que les mêmes choses, et lui n’était qu’un gamin à l’époque. Il a « juste » fait son service militaire sur cette terre maghrébine.
Le père de Béatrice était ce que l’on appelle un appelé du contingent lors de la guerre d’Algérie – Béatrice est donc une enfant d’appelé. Il faisait partie des nombreux hommes physiquement testés puis classés « bons pour le service ». Ces soldats étaient ensuite envoyés en Algérie pour effectuer leur service militaire pendant une durée minimale de dix-huit mois. Ce qu’ils y ont vécu une fois sur place est innommable.
Selon Lucienne, la mère de Béatrice, toute cette période de la vie de son mari a été extrêmement dure ; et son retour de la guerre, bien qu’inespéré et extraordinaire, s’est aussi déroulé dans la douleur. Pendant plusieurs mois, on ne parlait pas en France d’une « guerre d’Algérie », mais d’opérations de « maintien de l’ordre » ou de « pacification ». Le gouvernement français dissimulait ce qui se déroulait réellement sur le territoire algérien. L’information était censurée. Les soldats, quant à eux, ne souhaitaient pas inquiéter leurs proches.
À l’époque, personne ne voulait d’une nouvelle guerre. Quand on nous demandait des explications, on nous disait : « C’est pas la guerre », alors on s’arrêtait là… On n’était pas très au courant, mais ça nous allait bien.
C’est donc en discutant avec sa mère que Béatrice a une révélation : ce qu’elle connaît de cette opération militaire orchestrée n’est qu’un ramassis d’anecdotes relayées par les médias. Elle se décide alors à entrer en contact avec des personnes qui ont vécu cette guerre d’Algérie de manière plus rapprochée. Elle veut connaître la vérité, la réalité de ce conflit armé.
Ces personnes seront toutes des femmes : Saïda, une Algérienne contrainte de quitter son pays avec toute sa famille en une nuit car son père engagé en tant que Harki aux côtés des français a eu peur des représailles par les militants algériens ; Djamila, une Moudjahidate, une résistante qui souhaitait lutter contre les injustices faites aux Algériens, notamment pour la gloire de son père ; Bernadette, une Pied-noir, c’est-à-dire une Française d’Algérie, qui a souhaité continuer à vivre dans ce pays après la déclaration de l’indépendance ; et Malika, une infirmière algérienne considérée comme une Fellagha par l’Armée française pour avoir rejoint le maquis et avoir travaillé avec des membres du Front de Libération Nationale.
Chacune d’entre elles lui permettra d’ouvrir les yeux sur un passé jusqu’alors inconnu, un passé difficilement reconnu en tant que tel par les instances françaises et algériennes. Pourtant les souvenirs sont bien présents, la violence de cette guerre a bel et bien existé…
Je me souviendrai toujours de cet exil… C’est terrible quand on doit tout laisser derrière soi…
Ces quatre femmes aux regards complémentaires sur la guerre d’Algérie permettent de véritablement appréhender l’Histoire telle que l’a vécue la population algérienne à cette époque. Ces témoignages racontent d’une voix forte les conditions difficiles des habitants de cette région du Maghreb. Le lecteur s’identifie à Béatrice, un personnage qui mène l’enquête et découvre les événements qui ont conduit à cette guerre sournoise, camouflée, qui a eu lieu presque dans l’ombre du grand public durant près de huit années.
Si les personnages contés sont fictifs, Swann Meralli s’inspire néanmoins de réels témoignages pour construire son énonciation. Deloupy, quant à lui, offre des traits singuliers. Les couleurs qu’il choisit ici traduisent par ailleurs les souvenirs, alternent entre le présent et le passé tout au long de ce récit.