Dans son premier roman intitulé Deux secondes d’air qui brûle, Diaty Diallo relate, au moyen d’une écriture précise, à la fois poétique et argotique, l’inqualifiable crime de policier·ères demeurant impuni·es par l’État puisque dans l’« exercice de leurs fonctions ». Leur indifférence, leur harcèlement, leur violence récurrente ainsi que ce meurtre, arbitraire, conduit les êtres qui les opposent, des jeunes de banlieue parisienne inlassablement arrêté·es pour ce qu’iels sont et non ce qu’iels font, à la fomentation d’une fulgurante rébellion. Une cruelle déflagration Les « deux secondes d’air qui brûle » contées par Diaty Diallo sont d’abord celles durant lesquelles Astor, se mouvant sur la piste de danse d’une fête de quartier, rêvant d’une relation sentimentale et/ou charnelle avec la belle Aïssa, attendant que son ami … Continuer la lecture de « Deux secondes d’air qui brûle de Diaty Diallo, une colère manifeste »
Littérature française
Sous cette étiquette sont rangées les œuvres de littérature française.
« C’était donc ça la mort ? Ce silence après tant de plaintes, cette paix après tant d’angoisse, ce bonheur et cette justice des mains et des traits après tant de misères ? » – Georges-Emmanuel Clancier
Quand l’arbre tombe d’Oriane Jeancourt Galignani, une sensibilité aiguë
La collection « Le Courage » des éditions Grasset propose un regroupement d’œuvres littéraires s’intéressant précisément à ce qu’est le courage et à comment il se manifeste en littérature. Ainsi, dans son roman intitulé Quand l’arbre tombe paru en cette collection, Oriane Jeancourt Galignani nous invite à contempler la destinée d’un homme ayant résolument tenté de vivre en marge de la société, ayant néanmoins souffert émotionnellement du caractère dissonant de son essence véritable. Elle choisit, afin de rendre compte de son expérience, de conter la réunion de deux êtres qui lui ont été proches, de les faire échanger sur son unicité, puis réaliser que leurs maladresses d’antan n’ont été qu’humaines. Elle choisit, surtout, une écriture qui soit à la fois poétique et sensorielle pour … Continuer la lecture de « Quand l’arbre tombe d’Oriane Jeancourt Galignani, une sensibilité aiguë »
Satisfaction de Nina Bouraoui, l’inassouvissement d’une femme confondue
Nina Bouraoui réinterroge sans cesse les notions d’identité et de genre, d’amours interdites et de trahison, d’enfances malmenées et d’émancipation en son œuvre. Elle offre ainsi en cette rentrée automnale 2021 un roman intitulé Satisfaction qui reprend chacune de ses obsessions littéraires. Sa protagoniste principale, souffrant d’une forme d’abandon, tente de saisir l’instant à l’aide sa caméra super 8 – la romancière utilisant ce motif pour figer l’instabilité au monde de son anti-héroïne –, à l’aide aussi, de ses multiples carnets de vie, témoins de ses fantasmes, ses névroses, sa honte. Un désamour, un désir Madame Akli est une Française qui, « [rêvant] d’une autre terre que la France », arrive en Algérie en 1962, après l’Indépendance, pour s’y installer avec son jeune époux Brahim. … Continuer la lecture de « Satisfaction de Nina Bouraoui, l’inassouvissement d’une femme confondue »
Soleil amer de Lilia Hassaine, une cruelle désillusion
Choisissant pour épigraphe deux vers du Bateau ivre d’Arthur Rimbaud – « Les Aubes sont navrantes/Toute lune est atroce et tout soleil amer » –, suggérant de sorte une traversée en mer singulière où l’avènement n’est peut-être que désenchantement, désillusion et mélancolie, Lilia Hassaine traite en son deuxième roman d’exil et de mensonge à travers la destinée d’une famille algérienne installée en France. Une aventure française Soleil amer démarre par une scène d’enfants « [campant] des personnages » romains, se livrant à des « luttes fratricides », des petites guerres qui sans cesse se terminent et recommencent. On est alors dans la région montagneuse de l’Aurès en Algérie, en 1959. Là, Naja, vingt-six ans, élève seule ses trois filles, Maryam, Sonia et Nour, encore bébé. Son mari Saïd a … Continuer la lecture de « Soleil amer de Lilia Hassaine, une cruelle désillusion »
Mise à feu de Clara Ysé, la morsure de l’absence
Également musicienne et chanteuse, auteure d’un EP intitulé Le monde s’est dédoublé en 2019, Clara Ysé offre en son premier roman une prose mêlant poésie et magie ainsi que douceur et violence, une prose empreinte d’un grand lyrisme par laquelle se révèle son amour pour l’art en général, la musique en particulier. Reprenant en son œuvre intitulée Mise à feu le motif littéraire du feu, un motif qui fait tendrement écho au premier roman de sa mère, l’écrivaine, psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle[1], Clara Ysé s’intéresse au poids de l’absence sur la psyché d’un être à travers l’histoire de deux jeunes enfants oppressés par cette morsure sévère, un frère et sa sœur choisissant d’avancer ensemble, unis contre l’adversité. Une « vie en rose » éphémère … Continuer la lecture de « Mise à feu de Clara Ysé, la morsure de l’absence »
Rien ne t’appartient de Nathacha Appanah, naître femme, naître entravée
Nathacha Appanah reprend en son huitième roman intitulé Rien ne t’appartient de nombreuses thématiques qui lui sont chères, que l’on retrouve dans l’ensemble de son œuvre littéraire. Il est ainsi question ici de la place que l’on donne aux « fantômes », aux souvenirs du passé ; de destins éprouvés, notamment d’une jeunesse maltraitée, délaissée, oubliée ; de l’impact des catastrophes naturelles sur la population qui les subit ; et des rêves, des désirs et aspirations de l’être. Embrassant ces différents sujets en son intrigue, l’écrivaine nous mène à la découverte de la destinée d’une femme sans âge, dont la mort du mari ravive de vagues réminiscences, dont l’histoire violente révèle la cruauté d’un lieu où l’on ne peut penser dévier de l’opinion politique imposée par … Continuer la lecture de « Rien ne t’appartient de Nathacha Appanah, naître femme, naître entravée »
L’Évanouissement de Marie de Natacha Sadoun, un désordre intérieur
Peut-on jamais savoir ce que pense l’autre ? Connaît-on jamais entièrement quelqu’un ? Et a contrario, dévoile-t-on jamais ce qui anime le plus profondément notre être ? L’écrivaine et artiste-plasticienne Natacha Sadoun nous invite à réfléchir à ces questions à travers l’histoire singulière d’un couple dynamique dont la relation est éprouvée par un événement inattendu. C’est ainsi par l’absence de son « autre » qu’une femme s’éveille à elle-même puis tente de résoudre les nombreuses énigmes de son quotidien. Une absence révélatrice Natacha Sadoun révèle l’ébranlement de son héroïne principale dès l’incipit de L’Évanouissement de Marie, employant à dessein le champ lexical du saisissement. La voix à l’autre bout du fil continuait de relater les faits mais Marie était déjà ailleurs. Un souffle froid l’avait parcourue, un … Continuer la lecture de « L’Évanouissement de Marie de Natacha Sadoun, un désordre intérieur »
Celle qui se métamorphose de Boris Le Roy, se réinventer, toujours se réinventer
Boris Le Roy s’intéresse de près dans ses écrits à la complexité des relations humaines, opposant volontiers l’objet de désir d’un homme aux choix divergents de celles et ceux qui l’entourent : il décrit ainsi dans Au moindre geste[1] la quête d’informations d’un architecte à la recherche de son père dit « mort-vivant », père dont les couleurs sont ravivées par une femme à la « beauté singulière » ; il explore au sein de Du sexe[2] le quotidien d’un statisticien multipliant les femmes qui, souhaitant séduire la fille du président, développe et promeut les notions d’« accouplement citoyen » et de « parité absolue » dans un couple. Reprenant de sorte en cette rentrée littéraire 2021 les thématiques qui lui sont chères – le couple et ses mystères, la sexualité et la … Continuer la lecture de « Celle qui se métamorphose de Boris Le Roy, se réinventer, toujours se réinventer »
Frère d’âme de David Diop, où la nuit, tous les sangs sont noirs
Dans son deuxième roman intitulé Frère d’âme, David Diop décrit à travers l’histoire de ses deux protagonistes principaux, deux tirailleurs sénégalais enrôlés au sein des troupes françaises, la brutalité de la Grande Guerre. Par leurs destinées étroitement liées, le romancier nous interroge sur la notion complexe d’humanité : qui peut se dire « humain » en temps de guerre ? Et que dire d’un homme qui, soumis au désespoir, commet l’intolérable bien qu’agissant « libre », selon sa propre volonté ? Deux frères opposés L’intrigue de Frère d’âme démarre in medias res aux côtés d’Alfa Ndiaye pleurant la mort de Mademba Diop. Les deux hommes, vingtenaires, étaient « plus que frères » puisqu’ils se sont mutuellement choisis au plus tendre de leur jeunesse. De sorte, comme tous frères, Alfa et … Continuer la lecture de « Frère d’âme de David Diop, où la nuit, tous les sangs sont noirs »
Mauvaises herbes de Dima Abdallah, s’épanouir dans l’adversité
Dima Abdallah est une écrivaine franco-libanaise née au Liban en 1977, installée en France dès 1989, l’année de ses douze ans. Son parcours singulier, terreau d’une culture métissée, n’est pas sans rappeler celui de l’héroïne principale de son premier roman intitulé Mauvaises herbes. La jeune fille, puis femme, que l’on suit de ses six ans à l’âge adulte, connaît les heures les plus sombres de son pays natal avant de s’envoler pour Paris elle aussi, laissant derrière elle son père. Un dialogue rompu Mauvaises herbes commence ainsi en 1983 à Beyrouth. La narratrice première de l’histoire est une fillette entourée de ses condisciples à l’école. Au loin, les détonations se font entendre : d’abord tout doucement, tel un bruit de fond ; puis … Continuer la lecture de « Mauvaises herbes de Dima Abdallah, s’épanouir dans l’adversité »