Dans l’œuvre première de sa trilogie livrant le testament émotionnel de femmes mortes, une œuvre intitulée L’Ombre animale, Makenzy Orcel nous évoque subtilement la difficulté de son entreprise littéraire, à savoir la difficulté de trouver les mots justes pour conter la vie et la mort, l’existence et l’essence, d’une personne passée de « l’autre côté ». dans ce dialogue constant avec la mort (ou la vie) une seule question s’impose, comment, avec quels mots raconter la fable de celui ou de celle qui n’est plus, n’a jamais été, quelle place a la mémoire des disparus à côté de celle des vivants[1] L’écrivain choisit pourtant de se prêter à cet exercice singulier d’une façon qui soit hautement littéraire et lui permette d’embrasser les mille … Continuer la lecture de « Une somme humaine de Makenzy Orcel, une langue vivante »
Relations familiales
La notion de famille regroupe un ensemble de personnes provenant de la même descendance, partageant le même « sang ». Les membres d’une famille s’aiment d’un amour sincère désintéressé, se font confiance, se soucient de l’autre et veillent l’un sur l’autre. Mais les relations familiales peuvent aussi être complexes, imparfaites et source de frustration.
« I sustain myself with the love of family. » – Maya Angelou
Appelez-moi Cassandre de Marcial Gala, un Cuba mythologique
Marcial Gala, écrivain, poète et architecte cubain partageant son temps entre Cienfuegos et Buenos Aires, s’applique dans l’entièreté de son œuvre littéraire à montrer les divisions demeurantes du peuple cubain, notamment une certaine fracture sociale accentuée par les sentiments dissemblables que suscitent la politique et l’histoire tumultueuses de l’île, et défendre les voix mésestimées en cette communauté, à savoir celles des enfants, des Noir·es, des personnes LGBTQIA+. Il compose ainsi une œuvre qui se veut à la fois poétique et critique, imaginative et engagée. Il adopte du reste cette même approche pour l’écriture d’Appelez-moi Cassandre, un roman traduit de l’espagnol par François-Michel Durazzo. Marcial Gala y crée en effet un univers réaliste magique au moyen d’une écriture précise et mène ses lecteur·rices aux … Continuer la lecture de « Appelez-moi Cassandre de Marcial Gala, un Cuba mythologique »
Si le soleil se dérobe de Nicole Dennis-Benn, une quête de liberté
Née et ayant grandi à Kingston en Jamaïque et installée à New York aux États-Unis dès sa dix-septième année, Nicole Dennis-Benn connaît intimement le bouleversement que peut créer une situation d’exil volontaire[1]. Elle s’inspire quelque peu de son expérience singulière pour nourrir la psyché de sa protagoniste principale en Patsy, un roman que l’on retrouve en français sous le titre Si le soleil se dérobe grâce à la traduction de Benoîte Dauvergne. Ainsi l’héroïne éponyme de Patsy s’envole également pour New York mais ne bénéficie, en revanche, ni d’un permis de travail ni d’un statut légal de résidence permanente pour ce faire. Son départ n’est d’ailleurs pas sans conséquences pour les sien·nes et, à travers son parcours, Nicole Dennis-Benn nous propose de contempler les notions … Continuer la lecture de « Si le soleil se dérobe de Nicole Dennis-Benn, une quête de liberté »
Quand l’arbre tombe d’Oriane Jeancourt Galignani, une sensibilité aiguë
La collection « Le Courage » des éditions Grasset propose un regroupement d’œuvres littéraires s’intéressant précisément à ce qu’est le courage et à comment il se manifeste en littérature. Ainsi, dans son roman intitulé Quand l’arbre tombe paru en cette collection, Oriane Jeancourt Galignani nous invite à contempler la destinée d’un homme ayant résolument tenté de vivre en marge de la société, ayant néanmoins souffert émotionnellement du caractère dissonant de son essence véritable. Elle choisit, afin de rendre compte de son expérience, de conter la réunion de deux êtres qui lui ont été proches, de les faire échanger sur son unicité, puis réaliser que leurs maladresses d’antan n’ont été qu’humaines. Elle choisit, surtout, une écriture qui soit à la fois poétique et sensorielle pour … Continuer la lecture de « Quand l’arbre tombe d’Oriane Jeancourt Galignani, une sensibilité aiguë »
Black Cake de Charmaine Wilkerson, un mets, une histoire, un héritage
Charmaine Wilkerson croit au lien indéfectible existant entre les histoires que l’on raconte et la nourriture que l’on mange[1]. Selon elle, nul doute que la nourriture possède son propre langage, c’est-à-dire sa propre manière d’articuler et exprimer le sentiment, l’émotion, mais aussi l’héritage et la tradition. Elle choisit ainsi de composer son premier roman intitulé Black Cake partant d’une recette qu’elle reçoit de sa mère jamaïcaine, la recette d’un gâteau connu dans la Caraïbe anglophone sous le nom de black cake, « gâteau noir ». Particulièrement célébré à la Jamaïque, ce dessert tirant ses origines du Christmas plum pudding britannique est dulcifié à l’aide de sucre de canne et de fruits secs imbibés de rhum ou de liqueur. Charmaine Wilkerson s’en sert ici comme … Continuer la lecture de « Black Cake de Charmaine Wilkerson, un mets, une histoire, un héritage »
Lorsque le dernier arbre de Michael Christie, une famille telle une forêt
Dans son roman intitulé Lorsque le dernier arbre dans l’édition française, Michael Christie, traduit de l’anglais par Sarah Gurcel, conte l’histoire d’une même famille sur plusieurs générations au moyen d’une structure littéraire élaborée rappelant le tronc d’un arbre. Il offre ainsi l’épopée singulière d’êtres cherchant un sens à leur vie, tout en proposant une critique incisive sur l’action de l’espèce humaine sur la dégradation de la planète. Un environnement à préserver Le roman de Michael Christie commence in medias res aux côtés de Jacinda « Jake » Greenwood en 2038. Jake travaille en tant que guide forestière – bien que surqualifiée pour ses tâches – dans la Cathédrale de Greenwood Island, un lieu religieusement protégé dans lequel on peut encore visiter des arbres de nombreuses espèces … Continuer la lecture de « Lorsque le dernier arbre de Michael Christie, une famille telle une forêt »
Suzuran d’Aki Shimazaki, un drame romantique
Aki Shimazaki, auteure des pentalogies Le Poids des secrets, Au cœur du Yamato et L’Ombre du chardon, poursuit son œuvre littéraire singulière avec Suzuran, premier tome d’un Quatrième cycle de cinq romans. Elle y conte l’histoire d’une céramiste sans cesse comparée à son aînée au moyen d’une écriture précise et d’un style épuré. Une rivalité sororale Anzu, s’exprimant à la première personne du singulier, est la cadette de la famille Niré. Elle vit seule avec son garçon Tôru dans la ville de Yonago – lieu-dit donnant à la fois vue sur la mer et le mont Daisen – et profite de ce cadre naturel pour insuffler à son œuvre toute sa poésie, tout son caractère : elle pratique l’art traditionnel de la poterie comme … Continuer la lecture de « Suzuran d’Aki Shimazaki, un drame romantique »
Mise à feu de Clara Ysé, la morsure de l’absence
Également musicienne et chanteuse, auteure d’un EP intitulé Le monde s’est dédoublé en 2019, Clara Ysé offre en son premier roman une prose mêlant poésie et magie ainsi que douceur et violence, une prose empreinte d’un grand lyrisme par laquelle se révèle son amour pour l’art en général, la musique en particulier. Reprenant en son œuvre intitulée Mise à feu le motif littéraire du feu, un motif qui fait tendrement écho au premier roman de sa mère, l’écrivaine, psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle[1], Clara Ysé s’intéresse au poids de l’absence sur la psyché d’un être à travers l’histoire de deux jeunes enfants oppressés par cette morsure sévère, un frère et sa sœur choisissant d’avancer ensemble, unis contre l’adversité. Une « vie en rose » éphémère … Continuer la lecture de « Mise à feu de Clara Ysé, la morsure de l’absence »
Apprendre à se noyer de Jeremy Robert Johnson, ou jusqu’où irions-nous par amour
Jeremy Robert Johnson, traduit ici par Jean-Yves Cotté pour les éditions du Cherche Midi, s’intéresse en son œuvre intitulée Apprendre à se noyer aux notions de deuil et de parentalité à travers l’histoire d’un homme qui, confronté au pire, reconsidère son entière existence. Une exploration en rivière Un homme et son fils font une expédition à visée initiatique sur la rivière. Le père voudrait de cette manière perpétuer ce que lui-même a reçu enfant de son géniteur, c’est-à-dire un ensemble d’enseignements qui permettraient au garçon de forger son identité, de connaître aussi ce qu’il est nécessaire de savoir pour vivre « homme ». L’aventure est de sorte une espèce de rituel de passage à l’âge adulte ou d’invitation à déserter l’enfance. La mère ne fait … Continuer la lecture de « Apprendre à se noyer de Jeremy Robert Johnson, ou jusqu’où irions-nous par amour »
Mauvaises herbes de Dima Abdallah, s’épanouir dans l’adversité
Dima Abdallah est une écrivaine franco-libanaise née au Liban en 1977, installée en France dès 1989, l’année de ses douze ans. Son parcours singulier, terreau d’une culture métissée, n’est pas sans rappeler celui de l’héroïne principale de son premier roman intitulé Mauvaises herbes. La jeune fille, puis femme, que l’on suit de ses six ans à l’âge adulte, connaît les heures les plus sombres de son pays natal avant de s’envoler pour Paris elle aussi, laissant derrière elle son père. Un dialogue rompu Mauvaises herbes commence ainsi en 1983 à Beyrouth. La narratrice première de l’histoire est une fillette entourée de ses condisciples à l’école. Au loin, les détonations se font entendre : d’abord tout doucement, tel un bruit de fond ; puis … Continuer la lecture de « Mauvaises herbes de Dima Abdallah, s’épanouir dans l’adversité »