Édition canadienne 2024 : pressée

Par Steven W. Beattie |

De la nourriture et du loyer aux vêtements et articles ménagers de tous les jours, presque tous les biens de consommation au Canada ont connu des augmentations de prix rapides au cours des dernières années. Tout est bon sauf un.

«Je pense que ce qui nous tourmente tous, c’est que le prix de tout a presque doublé, sauf celui d’un livre», déclare Alana Wilcox, présidente de l’Association des éditeurs canadiens et directrice éditoriale de Coach House Books. C’est un problème pour les éditeurs indépendants, dont les marges sont déjà serrées et sont réduites par la hausse des coûts du papier, des frais d’expédition et du personnel.

Mais il est difficile de convaincre les consommateurs de payer plus pour les livres, reconnaît Wilcox. « Si vous allez au Park Hyatt à Toronto, c’est exactement le même prix pour un cocktail que pour un livre. Et les gens n’ont aucun problème à payer ça. Il s’agit de savoir comment nous faisons connaître la valeur d’un livre.

Jack Illingworth, directeur exécutif de l’ACP, est du même avis. « Lorsque j’ai débuté ma carrière, il y a plus de 20 ans, le prix d’un livre de poche était de 19,95 $ CA », dit-il. « Maintenant, cela pourrait coûter 22,95 $CAN. Il a à peine bougé. » Le résultat, dit-il, est une situation dans laquelle toute augmentation du financement gouvernemental dans le secteur sert à combler le déficit. « Il y a dans l’industrie le sentiment que quelque chose doit céder à un moment donné », ajoute-t-il.

Wilcox déplore également la montée en flèche des coûts liés aux affaires, désignant les frais de location pour les lancements de livres et autres événements comme une source particulière de douleur. Le coût de location d’une salle pour une seule nuit est désormais souvent plus élevé que l’avance d’un auteur typique. Ajoutez à cela le prix des hôtels, qui à Toronto tournent autour de 500 dollars canadiens la nuit, et il devient prohibitif de faire venir des auteurs de l’extérieur de la ville pour des événements et des apparitions. «Je ne connais pas d’autres villes», dit Wilcox. « C’est peut-être un problème à Toronto, mais c’est un problème. »

Bien entendu, ce n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les éditeurs indépendants au Canada. Problèmes soulevés autour de la loi sur la modernisation du droit d’auteur, adoptée en 2012, en particulier l’élargissement de la disposition relative à l’utilisation équitable pour inclure le secteur de l’éducation, ce qui a entraîné une perte de redevances pour les éditeurs que l’agence de recouvrement Access Copyright estime être supérieure à 200 millions de dollars canadiens – persistez. Illingworth garde espoir que cette question sera réglée sous le gouvernement libéral actuel, même s’il y aura des élections fédérales au cours de la prochaine année.

Les droits des créateurs pourraient également être affectés par l’adoption généralisée de l’intelligence artificielle. « L’IA est énorme », déclare Wilcox. «Nous essayons de comprendre quelles en sont toutes les implications juridiques. Nous avons aidé les membres avec la formulation des contrats, ce genre de choses.

Illingworth suggère qu’il n’y a pas d’accord général de la part des éditeurs indépendants canadiens sur la manière de traiter les problèmes posés par l’IA. Il qualifie la suppression non autorisée des œuvres protégées par le droit d’auteur des éditeurs dans l’ensemble de données Books3, qui est utilisé pour former des modèles d’IA génératives, de « sonnette d’alarme » pour l’industrie. « Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues internationaux par l’intermédiaire de l’International Publishers Association pour tenter de résoudre ces problèmes de manière stratégique à l’échelle mondiale », ajoute-t-il.

Toutefois, certains développements prometteurs ont également eu lieu pour les éditeurs canadiens. Illingworth note une amélioration des relations avec Indigo depuis le retour de Heather Reisman au poste de PDG en septembre 2023. Et dans son budget fédéral d’avril, le Parti libéral a accordé une modeste augmentation de 10 millions de dollars sur trois ans au Fonds du livre du Canada. Même si cette somme est bien en deçà des 19,2 millions de dollars par an promis par le gouvernement en 2021, elle est néanmoins la bienvenue.

Wilcox note l’ouverture de nouvelles librairies à travers le pays, ainsi que l’apparition de nouveaux éditeurs comme Stonehewer Books en Colombie-Britannique et Assembly Press en Ontario, comme des signes d’un secteur sain. « Il y a beaucoup de dynamisme à ce niveau-là », dit-elle.

Steven W. Beattie est écrivain et critique à Stratford, en Ontario. Il dirige le site littéraire Ce chiffon shakespearien.

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Une version de cet article est parue dans le numéro du 30/09/2024 de Éditeurs hebdomadaire sous le titre : Pressé